« Dès que la cloche sonnait, tout le monde redevenait sérieux ! »

On allait à l’école primaire à Chancia. L’été, on rentrait à la maison pour manger le midi.
L’hiver on apportait notre « gamelle » et on déjeunait sur place.

Je me souviens qu’au début, chacun amenait une bûche de bois  pour alimenter le fourneau de la classe…

On avait quand même 6 kms environ aller-retour à faire l’hiver et 12 kms l’été …
On était nombreux originaires d’Uffel à aller à l’école à Chancia. Notre cartable dans le dos, on partait tous ensemble, sans prendre forcément le chemin le plus court. Souvent, on suivait la rivière …

On portait une blouse, des pantalons courts et des sabots en bois toute l’année quelque soit la température. C’était dur. L’hiver, on mettait des sortes de bas en laine qui montaient jusqu’aux genoux et que ma grand-mère nous tricotait.

J’ai un excellent souvenir de mon institutrice, la seule que j’ai eu d’ailleurs, car il s’agissait d’une école à classe unique. On y entrait vers 6 ans et on en sortait à l’âge du certificat d’études primaires.
Mon institutrice, mademoiselle Hélène Girardin, était originaire du Haut-Doubs. Son fiancé avait été tué à la guerre de 14-18 et depuis, elle vivait seule à Chancia. C’était quelqu’un qui se consacrait toute entière à son école.
Elle était très exigeante, mais très juste. Durant les récréations, elle jouait avec nous, mais dès que la cloche sonnait, tout le monde redevenait sérieux !

Seuls les élèves dont elle était certaine qu’ils réussiraient, étaient présentés à l’examen du certificat qu’on allait passer à Moirans-en-Montagne.
On avait une épreuve de dictée, de calcul, de récitation et d’histoire de France.

Je me souviens de l’une des récitations « Le laboureur et ses enfants » qui commençait comme ça:

 « Un riche laboureur sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous leur dit-il de vendre l’héritage
Que nous ont laissé nos parents… »

Après, je ne m’en souviens plus …

L’école avait une belle bibliothèque qui a malheureusement brûlée pendant la guerre. Pour acheter des livres, mademoiselle Girardin vendait du tilleul à la Pharmacie Burcy d’Oyonnax.
Ce tilleul, on le récoltait à l’automne. Toute la classe partait dans les bois. Les plus grands d’entre nous montaient dans les arbres pour cueillir les fleurs de tilleul et les autres les dépeçaient et en remplissaient des sortes de grandes cagettes tressées qui étaient fabriquées avec des branches et des tiges de noisetiers. Ces cagettes, on les appelait les « balles ».
Ces « balles » étaient fabriquées dans la région, surtout à Condes. Elles étaient expédiées à Lyon où elles étaient utilisées dans les soieries.