A la fin de sa vie, ma grand-mère avait perdu un peu la tête.
Cela a commencé avec l’arrivée des Allemands dans la région. Elle avait été obligée comme tous les habitants d’Uffel, de quitter la maison pour aller se réfugier et se cacher dans les bois durant plusieures semaines.
Elle ne l’a pas supporté.
On a toujours pensé que la dégradation de son état de santé pouvait être également lié au traumatisme de la guerre de 14/18 au cours de laquelle elle avait perdu un fils (NDLR Jules Albert Berne). Elle ne s’était jamais véritablement remise de sa mort.
Je me souviens qu’une nuit, elle est partie de la maison en chemise de nuit, en s’enfuyant par la fenêtre. Elle marchait en direction de Chancia lorsqu’elle a été récupérée par un camionneur qui l’a ramenée …
Ma grand-mère m’aimait bien et j’aimais beaucoup ma grand-mère.
C’est elle qui m’a donné la montre à gousset de son fils – mon oncle – qui a été tué à la guerre de 14.
Il faut dire qu’elle me l’a donnée dans des conditions bien particulières, puisqu’elle me l’a offerte pour m’inciter à faire ma première communion, ce dont je n’avais pas très envie.
On n’a pas été élevé dans la religioni, même si on a fait notre communion …
Mon père qui ne croyait en rien était tolérant et il acceptait que l’on aille au catéchisme dans la mesure où cela faisait plaisir à ma grand-mère. Je peux dire que je n’ai jamais vu mes parents aller à la messe…
Par la suite, la charge de mes grands-parents étant trop lourde pour la famille, mon grand-père est allé habiter chez l’une de mes tantes d’Oyonnax et ma grand-mère est restée chez nous.
Mon père n’était pas sévère, ma mère non plus d’ailleurs. Il faut bien avouer que lorsque l’on était gamin, on faisait un peu ce que l’on voulait, mais on obéissait. Je pense que l’on aurait pu mal tourner mais cela ne c’est pas trop mal passé. On respectait nos parents.
On n’aurait jamais voulu leur faire du tort, et de ce fait, on n’a jamais voulu dépassercertaines limites…
Mon père aimait sortir, il aimait les copains, jouer aux boules, aux quilles… C’était un bon vivant qui aimait bien manger, bien boire et surtout la compagnie. Ma mère elle, était plutôt renfermée, casanière, et ne sortait pas beaucoup.
C’est elle qui s’occupait du jardin et de notre « cheptel » (rires): on élevait une vache, un mouton et une chèvre… Elle faisait du fromage avec le lait de la chèvre et de la vache.
Ma mère et son « cheptel »