39-45 Du poisson contre des chemises

Durant toutes ces années de guerre, on peut dire qu’on a survécu grâce à la pêche.

Mon père était tourneur sur bois, il faisait des pièces en buis pour les jeux d’échecs.

Le travail avait considérablement baissé et ne permettait plus à la famille de vivre. On était quand même huit à la maison avec mes grands-parents du côté maternel.

Heureusement qu’on avait la pêche….On pêchait sur des lots que mon père louait sur la Bienne et sur la rivière d’Ain avec d’autres comme les frères Dupré de Chancia, qu’on surnommait « Sac » et « Roule » et Frédéric Gaillard de Condes.

On pêchait avec des filets. C’était autorisé à l’époque, mais à condition de tendre le filet entre deux piquets, de le laisser et de le relever de jour.
Nous, on y allait la nuit car on pouvait lancer le filet et le retirer plusieurs fois et les lampes à acétylène attiraient le poisson.

Cela rapportait gros !! Des kilos et des kilos de truites ! Chez mes parents, il y avait toujours une poêle à portée de main pour faire frire le poisson.

C’était un moyen de survivre. Cela nous permettait de manger et d’obtenir certains produits qui étaient devenus rares. On échangeait le poisson contre des pneus de vélos, contre de la viande, etc…

Le marché noir était très surveillé.

Un jour, Charlot, mon frère, alors qu’il avait été arrêté à un barrage de gendarmerie a carrément proposé aux gendarmes d’échanger le poisson qu’il avait sur son vélo contre des chemises de la gendarmerie !

Les gendarmes avaient autant besoin de manger que les autres et ont accepté !!!